REFORME DES CONSTITUTIONS ET DES INSTITUTIONS ET REALITES ECONOMIQUES ET SOCIALES : cas de l’Algérie et du Maroc
Le Roi du Maroc (cf. le discours du 9 mars 2011) et Le Président Algérien (discours du 12 avril 2011) s’accordent sur la nécessité d’amender leurs constitutions respectives, d’élargir les libertés individuelles et collectives, de garantir la liberté de la presse et d’aller plus en avant vers une décentralisation administrative et l’octroi de réelles responsabilités aux collectivités territoriales.
L’amazighité comme composante de la culture nationale voire comme langue nationale est reconnue
Il est certain que les évènements que connaît le monde arabe, ces derniers mois ont impacté les comportements des directions politiques des Etats maghrébins.
Les deux Chefs d’Etat reconnaissent l’indispensable cheminement vers un Etat de droit et d’assainir les pratiques administratives, économiques et le rapport au citoyen.
La moralisation de la vie publique et privée irait de pair avec le renforcement de l’appareil judiciaire et la réforme de la justice.
L’appel à plus de respect des droits humains s’est concrétisé dans le cas du Maroc par la création d’un conseil des droits de l’Homme présidé par Driss El Yazami.
Le multipartisme et le pluralisme politique sont des règles intangibles.
Les deux plus grands pays du Maghreb s’accordent sur l’Islam comme religion d’Etat. Ce principe n’est remis en cause par aucun mouvement politique même pas par les plus radicaux. Le principe du Roi commandeur des croyants « Amir El Mouminine » fait consensus, les plus à gauche y voient un rempart contre des tentatives par des Salafistes de s’arroger le droit de parler au nom de tous les musulmans et de lancer des fatwas intempestives. Par contre la sacralité du Roi est contestée.
Cependant la comparaison s’arrête à ce constat discouriel. Mohammed VI a été plus explicite sur les orientations qu’il a assignées à la commission consultative en proposant un rôle accru au premier ministre qui sera désigné au sein du parti majoritaire aux élections législatives, avec de réels pouvoirs sur l’administration. Incontestablement c’est une avancée lorsque l’on sait que le Roi a désigné en 2002 Driss Jettou, un technocrate non affilié à un parti, au poste de premier ministre. Certains voient dans cette proposition une auto limitation des pouvoirs du Souverain. Ainsi en première lecture, c’est la reconnaissance du rôle du parlement et par là même de la volonté populaire dans la désignation des responsables gouvernementaux. Les nominations des ministres et des hauts fonctionnaires et cadres de l’Etat demeureront la clé de voûte quant à la sincérité de cette disposition.
Ma longue expérience dans l’administration française me fait dire que l’administration en tant que force de proposition en charge de la mise en œuvre des décisions gouvernementales peut jouer un rôle de nuisance, d’infléchissement et ou de réorientation de celles-ci.
Actuellement le premier ministre et les ministres agissent en concert avec des administratifs sur lesquels ils n’ont pas une grande autorité par le jeu des nominations qui leur échappent. Un adage français dit « les Elus changent et les fonctionnaires restent », mais au moins en France le gouvernement a la possibilité de jouer sur les nominations, les promotions et les mutations.
Si la séparation des pouvoirs deviendrait réelle du fait de l’indépendance de la justice, les opinions publiques maghrébines attendront de vérifier dans les faits la véracité de ces intentions et que cette justice soit moins corrompue, plus équitable, protégeant les victimes et sanctionnant les coupables quelque soient leur statut social, leurs poids économique dans la société et leurs liens familiaux ou politiques. Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur toute une profession. Il y a des femmes et des hommes qui rendent la justice en toute honnêteté, en leur âme et conscience.
Le rôle et les prérogatives du conseil constitutionnel comme ‘’superviseur et contrôleur’’ de la constitutionnalité des lois votées par le parlement, ne valent que par le mode de désignation de ses membres et leur degré d’indépendance.
Par ailleurs si le Maroc a choisi clairement la voie référendaire quant à l’adoption de la nouvelle constitution, l’Algérie hésite entre le référendum et la voie parlementaire, ce qui fait dire aux contradicteurs du président de la République que celui-ci craint la sanction populaire et qu’il n’est pas sûr de son fait.
LA REACTION DES PARTIS ET DE LA SOCIETE CIVILE
Au Maroc, le discours royal a pris de court les partis politiques dans leur ensemble et a surpris l’opinion publique tant les annonces anticipent des évolutions futures.
A part Al Adl walihsane, certains militants du 20 février, des petits partis et certaines organisations de défense des droits de l’Homme, l’ensemble de la classe politique et de la société civile s’est emparé du sujet et s’est engouffré dans cette fenêtre ouverte pour intervenir dans le débat. A la télévision publique et dans la presse y compris pro-gouvernementale, les discussions sont franches et ne manquent pas d’audace. On parle de la corruption, des hommes politiques n’hésitant pas à chercher l’immunité parlementaire pour échapper à des délits de trafic de drogue et/ou de détournements de fonds.
En Algérie les clivages sont plus nets. Les partis proches du pouvoir engagent timidement le débat même si le Président Abdelaziz Bouteflika n’a pas forcé le trait sur les réformes constitutionnelles, alors que la société civile et la presse refusent d’entrer dans le jeu jugé par trop biaisé. Il en va de même du FFS.
La Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD - partis politiques) qui regroupe le RCD, le MDS, le PLD et des associations de la société civile, a préconisé le 24 avril la tenue d’«une conférence nationale qui aura pour mission de désigner un Conseil national de transition démocratique (CNTD)» de dissoudre toutes les institutions élues, de nommer un gouvernement de transition pour gérer les affaires courantes et d’engager le pays dans une refondation nationale avec à la clé la rédaction d’une Constitution qui sera soumise au vote du peuple algérien.
La CNCD exige, en vertu de l’article 88 de la Constitution, le départ du président Abdelaziz Bouteflika. Un article qui stipule que si le chef de l’Etat n’est pas en mesure d’assurer son mandat, il doit être démis de ses fonctions et remplacé par le président du Sénat (El Watan du 25-04-2011).
Certains partis attendent l’octroi de leur agrément comme Wafa d’Ahmed Taleb Ibrahimi, le Front démocratique de Sid Ahmed Ghozali, le parti de la laïcité ou encore le parti de la liberté et de la justice.
Tirant les leçons de ce qui se passe dans d’autres pays arabes, le pouvoir marocain a pris les devants en autorisant les manifestations et en libérant 190 prisonniers politiques, dont plusieurs Salafistes.
A Alger les manifestations sont toujours interdites , ce qui n’empêche pas des marches socioprofessionnelles et catégorielles. Parmi les annonces officielles, il est à noter la décriminalisation des délits de presse, l’ouverture audio-visuelle aux opposants, la dénonciation du népotisme et de la corruption, le gaspillage et la bureaucratie.
CE QUE JE CROIS
Lors d’un débat à la maison de l’Europe sur ‘’l’Union européenne et l’Afrique’’, répondant à mon intervention sur la nécessité d’éradiquer la corruption et de promouvoir des institutions démocratiques et des règles de transparence en matière économique et social, le représentant de l’OCDE m’a répondu que la corrélation entre démocratie et expansion économique n’était pas prouvée et que certains pays autoritaires ont connu des taux de croissance élevés.
Si je prends comme échantillon les 52 pays que j’ai prospectés (95% du PIB mondial), les évolutions les plus positives sont du côté des pays démocratiques.
Les pays arabes et en particulier l’Algérie et le Maroc ont tout à gagner à faire fonctionner leurs institutions selon des règles démocratiques transparentes bannissant le népotisme, les passe-droits, la concussion, le règne des grandes familles et des clans plus ou moins occultes, fermant l’accès aux responsabilités aux jeunes générations, mieux formées et techniquement plus compétentes.
JE PRECONISE :
1--un régime parlementaire où le premier ministre est issu d’une majorité parlementaire qui aura la confiance du parlement.
Le président (Algérie) et le Roi (Maroc) joueront le rôle d’arbitres, de garants des institutions, de l’intégrité territoriale, des libertés individuelles et de la représentation nationale dans les instances internationales. Ils assureront la continuité de l’Etat en toute circonstance et du multipartisme, de l’Etat de droit et du respect de la constitution. Ils seront les derniers remparts contre l’obscurantisme et les velléités par un ou des partis de supprimer le fonctionnement démocratique des institutions. Les chefs d’Etat sont également les garants du respect des traités internationaux, notamment ceux portant sur les droits humains, de la femme et des enfants.
Les citoyens doivent avoir leur destin en main en élisant une majorité et en la remerciant en cas d’insatisfactions par rapport à leurs attentes.
Néanmoins comment assurer au premier ministre une autorité indiscutable alors qu’il est perçu comme étant dans une position précaire ? C’est par l’éducation civique et l’apprentissage de la démocratie, que les règles de l’alternance seront perçues comme des contre pouvoirs à la disposition du peuple.
Il n’est pas normal qu’à l’occasion d’une visite royale ou présidentielle, les palmiers poussent au milieu de la nuit et que des lampadaires soient installés dans l’urgence et qu’après plus rien. Les autorités locales craignent davantage le mécontentement des chefs d’Etat que le sentiment des administrés.
2- J’ai constaté dans les municipalités de l’est parisien que j’ai eu à conseiller que les élus locaux sont fébriles et terrorisés à l’idée de perdre les élections et s’activent pour répondre aux exigences de leurs administrés.
C’est pourquoi, je propose la limitation des mandats de cinq ans à deux maximums comme c’est le cas au Brésil.
3-Dans la même veine, le cumul des mandats ouvrirait la voie aux jeunes et aux méritants.
4-imposer un niveau d’études aux parlementaires (niveau baccalauréat) afin d’évincer les trafiquants de drogue, les ‘’acheteurs de voix’’, les mafieux et autres champions de l’informel. C’est aussi pour permettre à l’élu de décider en toute connaissance de cause.
5- Le mode de scrutin est majoritaire en Algérie et répond au souci des partis dominants d’exclure les petites formations et de garder le monopole du pouvoir. C’est pourquoi les partis de la majorité sont en rupture totale avec les partis d’opposition qui ont du mal à exister véritablement.
Au Maroc, c’est l’inverse, les luttes remontant à la période post coloniale dans les années 1960, entre les partis nationalistes de l’Istiqlal, l’UNFP et l’USFP d’une part et le Palais d’autre part, ont motivé le recours à un mode de scrutin proportionnel, ce qui a empêché la constitution de majorités parlementaires et locales stables. En outre les scissions au sein de ces partis et les transfuges (des élus sur une étiquette change de camp en cours de mandat) ont aggravé l’émiettement de la vie politique marocaine (prés de 67 partis ou mouvements recensés).
Lors des dernières élections communales et provinciales, il était impossible de réunir des majorités homogènes dans les grandes villes à cause du mode de scrutin proportionnel. Des alliances contre nature se sont formées au gré des réalités électorales locales . Des partis font alliance dans une ville et se combattent férocement dans une autre.
6-Je propose un mode de scrutin de liste à tous les niveaux, national et local, ce qui élimine le recours à des notables véreux et/ou achetant des voix dans le but de faire des affaires sur le dos de la nation ou la collectivité. L’élection se fait en deux tours. Au premier tour les listes qui ont reçu 12% des inscrits peuvent se qualifier pour le deuxième tour. La liste qui obtient le plus de voix rafle la majorité des sièges (soit 50%) de l’Assemblée nationale. Il y tout intérêt aux partis de fusionner selon leurs programmes et affinités). Le même mode de scrutin s’appliquera au niveau du conseil municipal, régional et provincial. Afin de garder un lien entre les élus et les citoyens les listes sont proposées par département ou provinces. A chaque parti de faire figurer sur sa liste des candidat(e)s présent(e)s sur le terrain. Les autres 50% seront répartis entre les listes restant en lice au 2ème tour y compris la liste majoritaire.
Exemple soient 3 listes À, B et C qualifiées pour le 2eme tour. La liste A obtient 36% des suffrages, contre respectivement 35 et 29% pour B et C.
A aurait 50% des sièges. Ensuite les trois listes partageront à la proportionnelle les 50% restants.
L’avantage de ce système est de dégager une majorité stable pendant la mandature et de le rendre responsable vis-à-vis des citoyens. Les minorités seront représentées et pourront avoir accès à tous les documents (rapport d’activités, rapports comptables et financiers…), constituant ainsi un contre pouvoir.
Ce qui doit prévaloir, ce sont des coalitions homogènes reposant sur des principes affichés à l’avance auprès des Electeurs. Cesseront alors les pratiques d’achat/vente de voix de menaces physique et les intimidations.
7-Imposer un plafond des dépenses électorales. Chaque liste ou candidat doit désigner un mandataire financier qui sera chargé de présenter ses comptes. En cas de dépassement, le Tribunal pourrait décider de l’annulation de l’élection et peut être l’inéligibilité.
8- Les élus ne doivent pas cumuler des fonctions d’entrepreneurs, promoteurs immobiliers ou toutes activités pouvant générer un conflit d’intérêt. Il n’est pas sain qu’un maire soit le premier investisseur immobilier dans sa propre ville.
9- renforcer les systèmes de contrôles à plusieurs niveaux :
-Interne ‘au sein de l’assemblée ou de la collectivité territoriale
-externe par des chambres régionales des comptes
Les déclarations de patrimoine doivent être publiques avant et en fin de mandat des élus mais aussi de toute sa famille.
Afin d’éviter les pressions et les complicités un conseil consultatif formé de citoyens tirés au sort à partir des listes électorales, peut exercer un contre pouvoir et saisir la justice en cas d’anomalies constatées. Ce conseil pourrait se faire assister par des cabinets d’experts comptables et des auditeurs indemnisés par l’Etat.
Permettre aux associations reconnues d’utilité publique d’accéder aux comptes des collectivités et même des marchés publics à tous les niveaux.
10- Il est important de constitutionnaliser la criminali